Tout photographe se souvient de son premier appareil photo. Pour moi, c’était un Instamatic Kodak, offert par mon parrain (photographe amateur) pour ma Première communion.

Dix ans plus tard, avec mon frère Bernard, nous partons en auto-stop depuis notre Lorraine natale vers Bourg-Saint-Maurice, pour un séjour en Vanoise. Un appareil photo emprunté et trente mètres de pellicule noir et blanc à charger dans des cartouches 35 mm. L’idée est alors de photographier la montagne le plus possible, afin d’avoir de la matière à traiter au labo durant le reste de l’année. À l’époque, pas d’ordinateur : seulement des bacs de révélateur et de fixateur, en chambre noire, sous une lumière rouge et blafarde.

La pratique de la photo (et, plus tard, de la vidéo) m’accompagnera tout au long de mon parcours professionnel, entre presse écrite, films documentaires ou pédagogiques et télévision locale. Très vite, je ressens le besoin de « sortir du cadre » imposé par les formats 24 × 36 de la photo ou 4 × 3 de la vidéo, et d’aller vers davantage d’immersion.

Cela commence timidement par la prise de vue panoramique. Puis vient l’utilisation de la stéréoscopie. À l’époque, on ne parle pas encore de 3D : il s’agit d’ajouter de la profondeur aux images. Le procédé repose sur une double prise de vue sur diapositives et sur l’utilisation d’un équipement complexe pour les projections publiques. L’arrivée du numérique simplifiera (un peu) le dispositif.

Étape suivante : la réalité virtuelle, qui permet une immersion plus grande dans des environnements à 360°. Mais, comme pour la stéréoscopie, elle impose un dispositif technique (casque VR) entre l’image et le spectateur. Il est certes possible d’utiliser directement l’image issue de l’appareil, représentant la sphère sous forme d’une vue équirectangulaire au format 2 × 1. Le résultat est intéressant dans certains cas, mais reste contraint par le cadre rectangulaire. Alors pourquoi ne pas exploiter la représentation en mini-planète proposée par les constructeurs de caméras et les éditeurs de logiciels ?

À propos de mini-planètes, on peut penser aux tables d’orientation circulaires installées un peu partout par le Touring Club de France entre 1903 et 1970. Mais une recherche historique conduit plus loin : dès 1776, Marc-Théodore Bourrit réalise la première représentation d’un panorama complet de cette manière, sur une idée d’Horace-Bénédict de Saussure. Le mot panorama n’existe pas encore, pas plus que la photographie d’ailleurs, et la vue du sommet du mont Buet est alors dessinée à la main.

J’utilise donc mes captations à 360° pour les convertir en mini-planètes, et le résultat m’intéresse immédiatement. Lorsqu’on fait tourner l’image autour de son centre, c’est comme si l’observateur pivotait sur lui-même, découvrant successivement les différentes parties du paysage, exactement comme lors de la prise de vue initiale.

Vient ensuite l’envie d’aller au-delà de cette représentation de l’espace à 360°, très marquée par l’esthétique des tables d’orientation, pour construire des images plus personnelles. Les transformations de l'horizon sont moins géométriques et moins rigoureusement circulaires. Et l'emplacement de la caméra lors de la prise de vue encore plus important pour maîtriser le rendu final.

Et si les images semblent toujours flotter dans l'espace, il y a maintenant une orientation privilégiée pour les regarder, un peu comme les aquarelles du Petit Prince de Saint-Exupéry.

Une première exposition est organisée à l’espace culturel Jean-Gabin, à Montgenèvre, en décembre 2025. Elle circulera ensuite dans les Hautes-Alpes et au-delà. La parution d’un livre, “Planète Hautes-Alpes” aux Éditions du Fournel, est prévue pour le printemps 2026. Expositions et livre seront complétés par une série de conférences sur le thème de la vision à 360°, à partir de l'invention du panorama au 18ème siècle...

Michel Toupet